Linda

Emprisonnée chez moi

Vous êtes victime d’un accident de la route, d’un accident de travail, d’un crime : vous serez indemnisé et vous aurez des services. Vous avez plus de 65 ans : vous avez droit à des services d’aide et de maintien à domicile. Vous avez une maladie connue et reconnue comme invalidante : vous recevrez une rente d’invalidité. Mais si vous avez entre 18 ans et 65 ans et que vous êtes atteinte d’une maladie rare peu connue, vous n’aurez presque rien. Pourtant, c’est comme être victime d’un accident, mais d’un accident de la nature. Vous n’êtes pas responsable. Il y a des milliers de maladies rares. L’une de celles-ci peut se déclarer chez vous à n’importe quel âge. Voici l’histoire de la mienne.

Jour après jour, je dois affronter ma réalité, celle d’être emprisonnée chez moi pour avoir eu la malchance d’être malade. Je souffre de l’algodystrophie que l’on nomme également « syndrome douloureux régional complexe ». Cette maladie est peu connue, car il s’agit d’une maladie rare. Elle s’est localisée dans ma jambe gauche et a commencé à s’installer dans mon autre jambe au point d’affecter ma capacité de marcher. Les principaux symptômes sont des crises de douleur très aiguës, voire même insupportables, ainsi que des troubles circulatoires m’obligeant à rester au lit pendant plusieurs jours consécutifs. Je suis en arrêt de travail depuis un an. Pourtant, je suis plus épuisée maintenant qu’au moment où j’ai dû cesser mes activités professionnelles. J’encaisse crise après crise, mon corps s’affaiblit et je n’ai plus aucune qualité de vie.

Depuis un an et demi, je me bats pour me faire soigner. J’attends toujours un traitement efficace. Combien de démarches j’ai effectuées, pour obtenir les soins médicaux et les services sociaux auxquels je croyais avoir droit! Récemment, j’ai fait une requête au CLSC pour de l’aide à la maison. On vient de m’accorder le gros lot : un gros quatre heures aux deux semaines pour le ménage, les courses et la préparation de mon déménagement!

Ma vie sociale est réduite aux réseaux sociaux sur internet. Les gens finissent par s’éloigner, car je dois toujours annuler les activités prévues. « J’ai trop mal, j’ai passé la nuit à me tordre dans mon lit » : ces paroles, ils les ont entendues souvent. Je dois faire une croix sur mes plus grandes passions qui sont la danse, le ski et les voyages

Je commence ma deuxième année de congé de maladie à 55 % de mon salaire. Je dois donc laisser mon logement actuel. Et, je ne peux pas aider mon fils dans la poursuite de ses études universitaires. J’ai travaillé 25 ans pour le gouvernement en adaptation scolaire et j’ai encore le feu sacré en moi, mais j’ai de la difficulté à croire ces mots que le médecin a écrits dans mon dossier : « invalidité permanente ». Et malgré cette évaluation de mon médecin, je ne suis même pas certaine d’obtenir une rente d’invalidité de la Régie des rentes du Québec, lorsque mon assurance-salaire aura été épuisée l’an prochain.

J’ai suivi la série télévisée « Unité 9 » et si c’est représentatif du milieu carcéral pour les femmes, j’ai constaté que celles-ci ont une qualité de vie meilleure que la mienne. Elles ont une psychologue, une infirmerie, le bon prêtre travailleur social, des cours de musique, des activités sociales et même un travail pour se réaliser. Moi, je suis prisonnière chez moi, mais sans services.

Linda Vaillancourt
Professionnelle en adaptation scolaire
Rivière-du-Loup

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