Lorsqu’on sème encore plus la confusion par rapport aux définitions de maladies génétiques, héréditaires et congénitales…

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Sur le site web de Canal Vie, dans la section santé, l’article suivant a été publié :
« Les maladies héréditaires, génétiques et congénitales, comment s’y retrouver? ».http://www.canalvie.com/sante/articles/les-maladies-hereditaires-genetiques-et-congenitales-comment-s-y-retrouver-18841//

Malheureusement, cet article qui a été partagé par plusieurs sur Facebook, ne permet pas de s’y retrouver, car la personne qui a écrit l’article ne semble pas avoir compris la différence entre maladies génétiques et maladies héréditaires. L’intention était bonne, mais avec tout notre respect, il faut s’y connaître un peu pour pouvoir vulgariser correctement ce sujet. Ici, nous voulons corriger et clarifier le contenu de cet article.

Maladies héréditaires vs maladies génétiques

L’auteur a séparé les maladies héréditaires et les maladies génétiques comme si elles étaient deux catégories distinctes, alors que les maladies héréditaires sont une sous-catégorie des maladies génétiques. Donc, commençons par le début : les maladies génétiques sont des maladies causées par des changements dans le matériel génétique que l’on appelle « mutations ». Ces mutations peuvent se produire au niveau des chromosomes ou des gènes. Lorsque ces mutations sont présentes dans toutes les cellules du corps, incluant les cellules reproductrices (gamètes), ces maladies génétiques peuvent être transmises des parents à leurs enfants. Dans ce cas, elles sont héréditaires.

Ainsi, toutes les maladies héréditaires sont des maladies génétiques, mais pas toutes les maladies génétiques ne sont héréditaires. En effet, prenons par exemple, la grande majorité des cancers. Ceux-ci sont dus à l’accumulation au cours des années de mutations génétiques dans les cellules somatiques (toutes cellules autres que les cellules reproductrices) et il peut y avoir développement d’un cancer dans un organe. Donc, les cancers les plus fréquents sont des maladies génétiques, mais ils ne sont pas héréditaires. Cependant, un faible pourcentage de cancers est héréditaire, car ils sont dus à des mutations présentes dans les gamètes, qui peuvent être transmises à l’autre génération et prédisposer au cancer (par exemple, la prédisposition au cancer héréditaire du sein et de l’ovaire causée par des mutations dans les gènes BRAC1 ou BRCA2).

Exemples de maladies héréditaires

Prenons cette phrase tirée de la section « maladies héréditaires » de l’article : « Il existe plus de 1000 maladies héréditaires, dont la surdité, la rétinite pigmentaire, l’épilepsie et l’Alzheimer, pour ne nommer que celles-là. »

En fait, à ce jour, on répertorie près de 7 000 maladies héréditaires. La majorité de ces 7 000 maladies héréditaires est due à des mutations dans un seul de nos 22 000 gènes (des maladies dites monogéniques à transmission héréditaire mendélienne, c’est-à-dire qui ont une transmission héréditaire claire, soit dominante ou récessive et liée ou non au sexe). La probabilité que ces maladies soient transmises par des parents à leur progéniture est de 25 % ou de 50 % en fonction du mode de transmission.

 

Passons en revue les maladies que l’auteur donne en exemple comme maladies héréditaires. La surdité et l’épilepsie : environ la moitié des cas de ces maladies est héréditaire, l’autre moitié n’est pas héréditaire. Il y a plusieurs formes de rétinite pigmentaire qui sont généralement héréditaires.

L’auteur mentionne les maladies mentales (schizophrénie et psychose maniaco-dépressive) et la maladie d’Alzheimer dans la catégorie des maladies héréditaires. Ce ne sont pas des maladies héréditaires proprement dites, mais des maladies complexes multifactorielles. Elles sont dues à plusieurs causes, incluant plusieurs gènes et des facteurs environnementaux. Donc, il est possible que plusieurs membres d’une même famille soient atteints, mais il n’y a pas de transmission héréditaire simple et facile à prédire. On parle de gènes de susceptibilité dans ces familles, mais l’environnement joue également un rôle dans l’apparition de la maladie. Pour ce qui est de la maladie d’Alzheimer, moins de 1 % des cas sont réellement héréditaires (une forme qui est appelée « présénile » et qui apparaît à un plus jeune âge que la forme courante).

Exemples de maladies génétiques

Maintenant, prenons cette phrase tirée de la section « maladies génétiques » de l’article : « Parmi les maladies génétiques, notons la Trisomie 21, la myopathie de Duchenne, la mucoviscidose, le syndrome de Lesch-Nyhan, le diabète insulinodépendant et l’intolérance au fructose et au lactose, pour ne nommer que celles-là. »

Dans ce cas-ci, l’auteur aurait dû placer la myopathie de Duchenne (aussi nommée dystrophie musculaire de Duchenne), la mucoviscidose (aussi nommée fibrose kystique) et le syndrome de Lesch-Nyhan dans les maladies héréditaires. En effet, elles ne sont pas seulement des maladies génétiques, mais elles sont clairement héréditaires.

 

Pour ce qui est de la trisomie 21 (ou syndrome de Down), la grande majorité (95 %) des enfants atteints de trisomie 21 ont trois chromosomes 21 libres au lieu de deux comme la majorité des gens. C’est le résultat – comme l’auteur le dit – « d’une « erreur » dans le processus de formation des cellules sexuelles », donc non due à l’hérédité. Par contre, ce qui est rarement dit, c’est qu’environ 2 % des enfants atteints du syndrome de Down, le sont parce que l’un de leurs parents portait une anomalie chromosomique, qui lorsque transmise, pouvait causer ce syndrome.

Le diabète insulinodépendant (diabète de type 1 qui peut se développer durant l’enfance) est aussi une maladie complexe multifactorielle comme on l’a décrit ci-haut, avec l’apport de certains facteurs génétiques ainsi que des facteurs immunitaires. Et, un fait à noter : si vous avez un frère ou une sœur qui est atteint de l’autre forme du diabète qui est beaucoup plus fréquente dans la population, le diabète de type 2 (non insulinodépendant), votre risque de la développer vous-même est d’environ 15 fois plus élevée que si votre frère/sœur avait le diabète insulinodépendant type 1. Enfin pour ce qui est de l’intolérance au fructose et au lactose, de rares formes héréditaires existent.

Maladies congénitales

L’auteur donne la bonne définition des maladies congénitales : « une malformation présente dès la naissance », quoique ça ne se limite pas aux malformations; cela peut être une maladie, une anomalie ou une caractéristique physique ou mentale quelconque. Cependant, lorsqu’il affirme : « Toutefois, les facteurs héréditaires ou génétiques peuvent aussi entraîner des maladies congénitales. Elles peuvent être identifiées avant l’accouchement. » Non, elles ne peuvent pas toutes être identifiées avant l’accouchement. Nombre de maladies génétiques et héréditaires qui sont présentes chez le bébé à la naissance ne peuvent être détectées avant la naissance de l’enfant que ce soit par l’échographie ou par des tests génétiques.

 

Pour ce qui est de la liste de causes possibles de conditions congénitales, il en manque une catégorie importante : les infections. En effet, des maladies comme la rubéole, une infection au streptocoque B, au cytomégalovirus, etc., contractées durant la grossesse peuvent causer des malformations chez le bébé. On pourrait aussi ajouter des expositions à des produits toxiques en milieu de travail.

 

Aussi, plusieurs malformations congénitales ont des causes multifactorielles (gènes + environnement) comme le spina bifida, les malformations cardiaques congénitales, le pied bot, la dysplasie de la hanche, la fente labiale (bec de lièvre), etc. D’ailleurs, le risque de spina bifida peut être réduit si la femme prend de l’acide folique avant et pendant la grossesse.

Enfin, l’auteur indique que l’âge de la mère lors de la grossesse est l’une des causes de conditions congénitales. En effet, il est bien connu que le risque de trisomie 21 augmente avec l’âge de la mère. Ce qui est moins connu est que dans environ 10% des cas, ce sont les chromosomes 21 du père qui sont en cause et non ceux de la mère. Aussi, pour certaines maladies génétiques, l’âge paternel avancé est associé à une plus grande probabilité d’apparition de la maladie chez le bébé, par exemple, pour l’achondroplasie (la forme la plus courante de nanisme), la neurofibromatose et la maladie de Marfan. Il faudrait donc ajouter l’âge du père à la conception dans la liste des causes possibles pour les maladies congénitales.

Note : les 6 ou 7 points d’information (avec des tirets) que l’auteur met dans chacune des deux sections, maladies héréditaires et maladies génétiques, ne s’appliquent pas exclusivement à l’une ou l’autre catégorie, donc ne pas s’y fier.

 

Résumé

  • Les maladies héréditaires sont toutes génétiques.
  • Les maladies génétiques ne sont pas toutes héréditaires.
  • Il y a près de 7 000 maladies à transmission manifestement héréditaire pour lesquelles la probabilité de transmission est connue (25 % ou 50 % dépendant du mode de transmission).
  • Nombre de maladies communes sont des maladies complexes et multifactorielles. Elles sont dues à des facteurs génétiques (polygéniques, c’est-à-dire plusieurs gènes) et à des facteurs environnementaux (ex., cancers, diabète, obésité, maladies cardiovasculaires, malformations congénitales, etc.). Plusieurs membres d’une même famille peuvent être atteints de ces maladies, mais la probabilité d’apparition ne peut être prédite exactement et est plus faible que les 25 % ou 50 % des maladies héréditaires monogéniques.
  • Certaines maladies communes comportent des formes plus rares qui sont héréditaires (par exemple, cancer du sein héréditaire, cancer du côlon héréditaire, maladie d’Alzheimer héréditaire à survenue précoce, hypercholestérolémie familiale).
  • Les maladies congénitales sont toutes maladies ou conditions qui sont présentes à la naissance. Leurs causes sont nombreuses (infections, exposition à des produits toxiques durant la grossesse, âge de la mère et du père, maladie ou carence durant la grossesse, etc.) et incluent des causes génétiques. Certaines maladies congénitales sont héréditaires.

Gail Ouellette, Ph.D., CAGC, conseillère en génétique agréée

 

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